La Machine de Marly - Excerpt from l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert


Cette machine immense qui frappe d'étonnement tous ceux qui la voient, par l'énormité de sa construction, est une grande chose qui fera toujours un honneur infini à son Inventeur, malgré ses défauts. L'esprit de méchanique a fait de si prodigieux progrès depuis sa construction, qu'il ne seroit peut-être pas impossible d'en faire une autre au même endroit, dont la premiere dépense ne couteroit guere plus que l'entretien de celle-ci, qui seroit beaucoup plus simple & beaucoup plus solide, & qui produiroit un plus grand effet; mais il ne faut pas espérer que, malgré les bonnes vues de M. de Marigny, on en vienne là de sitôt. Il y a tant de subalternes qui trouvent leur avantage à ce que le mal se perpétue!

Comme on trouvera dans l'ouvrage une explication détaillée de cette fameuse machine, nous nous contenterons d'en parcourir les principales parties.

Il y a 14 roues. Ce que nous allons dire d'une convient à toutes. Cette roue sert à porter l'eau depuis la riviere de Seine jusqu'à l'aqueduc.

Son mouvement a deux effets. L'un de faire agir des pompes aspirantes & refoulantes qui portent l'eau à 150 pieds de hauteur dans un premier puisard éloigné de la riviere de 100 toises. L'autre est de mettre en mouvement les balanciers qui font agir les pompes refoulantes placées dans les deux puisards.

Celles qui répondent au premier puisard, reprennent l'eau & la portent au second élevé au-dessus du premier de 175 pieds, & éloigné de la riviere de 324 toises.

Au second puisard d'autres pompes la refoulent jusque sur la plate-forme d'une tour élevée au-dessus d'un puisard de 177 pieds, & éloigné de la riviere de 614 toises.

L'eau parvenue à cette hauteur coule sur un aqueduc de 230 toises de long, percé de 36 arcades, jusqu'auprès de la grille du château de Marly, d'où elle descend dans des réservoirs qui la distribuent au jardin.
La fig. 1. Pl. I. Plan en particulier d'une des roues. Le plan montre comment le varlet X se meut sur son axe Y. A l'extrémité Z il y a une chaîne I, qu'il faut regarder comme partie de la chaîne 2, 3. Voyez la fig. 2. Pl. I. De même le varlet R, Pl. II. fig. 7. répond aussi à une chaîne qui fait partie de celles 4, 5. Ces deux chaînes sont tirées alternati - vement par les varlets R, S.

2. Pl. I. Profil des balanciers & des puisards. Profil qui peut convenir au premier & au se - cond puisards, mais qui convient proprement au second. Même fig. 2. Pl. I. Cette figure est relative aux mouvemens des chaînes, des varlets, des chassis, des cadres, des pistons, & des pompes. Les corps de pompes sont au nombre de 257.

3 & 4. Pl. I. Profil & élévation d'une des pompes de la riviere & des puisards. Maniere dont tous ces corps de pompes sont assujettis & contenus. On voit plus en grand l'intérieur d'une des pompes refoulantes du premier & du second puisards.

4. Pl. I. Intérieur d'une des pompes de la riviere. Pour l'intelligence du jeu de la machine, consultez l'article Hydrauliques Machines.

5. Pl. I. Plan d'un puisard.

6. Pl. II. Profil d'une des roues, où le côté d'aval est à gauche, & celui d'amon est à droite, & où l'on voit le grillage qui garantit la machine.

7. Profil d'une des roues où le côté d'amont est à gauche, & le côté d'aval est à droite, & où l'on voit encore le grillage. Ainsi ces deux dernieres figures montrent la machine sous deux faces opposées.

Pl. II. fig. 6. A est le radier consolidé de pilots & pal-planches garnis de maçonnerie. Voyez sur cette partie de la construction les fig. 1, 6 & 7. C, D deux manivelles mues par la roue. E bielle correspondante à la manivelle E. F varlet qui fait un mouvement de vibration sur son essieu, Pl. II. fig. 6, à chaque tour de manivelle. G autre bielle pendante au varlet F. H balancier auquel est accrochée la bielle pendante F. II deux poteaux pendans aux extrémités du balancier H, & portant chacun quatre pistons jouans dans autant de corps de pompes. K, K corps de pompes. Voyez fig. 1, Pl. I.
C manivelle. G bielle. Quand la manivelle C & le varlet font monter la bielle G, les pistons d'un côté du balancier aspirent par les tuyaux L L, & les autres refoulent, & ainsi alternativement.

Pl. II. fig. 7. On voit ici comment la manivelle D donne le mouvement aux pompes du premier & du second puisards; pour entendre cet effet, joignez cette figure à la troisieme. O autre varlet. P autre bielle.
La machine de Marly est ici représentée dans son plan, & dans le profil d'une de ses roues, qui sont au nombre de 14. « Cette roue, qui sert à porter l'eau depuis la riviere de Seine jusqu'à l'aqueduc, a un coursier fermé par une vanne comme à l'ordinaire: son mouvement produit deux effets; le premier est de faire agir plusieurs pompes aspirantes & refoulantes, qui font monter l'eau, par cinq tuyaux, à 150 piés de hauteur, dans le premier puisard, éloigné de la riviere de 100 toises; le second est de mettre en mouvement les balanciers, qui font agir des pompes refoulantes placées dans les deux puisards; celles qui répondent au premier puisard, reprennent l'eau qui a été élevée à mi-côte, & la font monter par sept tuyaux dans le second puisard, élevé au dessus du premier de 175 piés, éloigné de 324 toises de la riviere: delà, elle est reprise de nouveau par les pompes qui sont dans le second puisard, qui la refoulent, par six tuyaux de 8 pouces de diametre, sur la plateforme de la tour, élevée au dessus du puisard supérieur de 177 piés, & de 502 piés au dessus de la riviere, dont elle est éloignée de 614 toises; de là l'eau coule naturellement sur un aqueduc, de 330 toises de long, percé de 36 arcades, en suivant la pente qu'on lui a donnée jusqu'auprès de la grille du château de Marly, d'où elle descend dans les grands réservoirs, qui la distribuent aux jardins & bosquets ».

Planche I. des Mach. hydrauliques, fig. 1. On a formé sur le lit de la riviere un radier A, qu'on a rendu le plus solide qu'il a été possible, par des pilots & pal - planches, garnis de mâçonnerie, ainsi qu'on le pratique en pareil cas, & c'est ce qu'on remarque dans la 1re. 6e. & 7e. figures. A 14 piés au dessus de ce radier, on a établi un plancher ou pont, qui sert à soutenir les pompes, & tout ce qui leur appartient, comme on en peut juger par la premiere figure, qui fait voir que l'arbre de la roue est accompagné de deux manivelles C & D; à cette derniere répond une bielle E, à chaque tour de manivelle cette bielle fait faire un mouvement de vibration au varlet F (Planche II. fig. 6.) sur son essieu. A ce varlet est une autre bielle pendante G, qui est accrochée au balancier H, aux extrémités duquel sont deux poteaux pendans II, portans chacun 4 pistons, qui jouent dans autant de corps de pompes marqués au plan par le nombre KK. fig. 1. Pl. I.

Fig. 6. Pl. II. Quand la manivelle C & le varlet font monter la bielle G, les pistons qui répondent à la gauche du balancier aspirent l'eau par les tuyaux L L qui trempent dans la riviere, tandis que ceux de la gauche la refoulent pour la faire monter dans le tuyau M M, d'où elle passe dans le premier puisard; & lorsque la manivelle tire à soi le varlet F, le balancier H s'inclinant d'un sens opposé au précédent, les pistons de la gauche refoulent & ceux de la droite aspirent, & continuent toûjours de faire la même chose alternativement.

Pour empêcher que l'air n'ait communication avec la capacité des corps de pompes, & que les cuirs qui sont aux pistons ne laissent point de vuide, on a ajouté à chaque équipage, indépendamment des huit pompes refoulantes, une pompe aspirante, appellée mere nourrice, afin d'entretenir [p. 362] toûjours de l'eau dans un bassin N, élevé à peu près à la hauteur du bord des corps de pompes; ainsi il y a un des poteaux pendans I, qui porte un cinquieme piston.

La manivelle D (Pl. II. fig. 7.) donne le mouvement aux pompes du premier & du second puisard; & pour juger comme cela se fait, il faut considérer la troisieme figure, relativement à la seconde, du sens qui leur convient; on y verra que cette manivelle fait faire un mouvement de vibration au varlet O, par le moyen de la bielle P qui tire à soi, & pousse en avant l'extrémité Q. Ce varlet en fait agir deux autres, horisontalement placés au dessous des nombres R & S, par le mouvement qui leur est communiqué de la part des bielles T & U, qui poussent ou qui tirent à elles le varlet supérieur ou inférieur, selon la situation de la manivelle.

Pl. I. fig. 1. L'on voit sur le plan comme le varlet X peut se mouvoir sur son axe Y, & qu'à l'extrémité Z il y a une chaîne I, qu'on doit regarder comme faisant partie de la chaîne 2 & 3 exprimée dans la 2. fig. Pl. I. de même le varlet R (fig. 7. Pl. II.), qu'on ne peut voir sur le plan, mais qui est tout semblable à l'inférieur, répond aussi à une chaîne qui fait partie de l'autre 4 & 5; ainsi ces deux chaînes sont tirées alternativement par les varlets R & S, pour faire agir les pompes des puisards, fig. 2. Pl. I. pour les entretenir, on les a soutenus avec les balanciers 6, posés de 18 piés en 18 piés; ces balanciers sont traversés par un boulon, qui appuie sur le cours de lice 7, posé sur les chevalets 8.

La figure 2. Pl. I. est un profil qui peut être commun au premier & au second puisard, mais qui doit plûtôt appartenir au second qu'au premier, parce que les chaînes vont aboutir aux varlets 9 & 10, au lieu qu'elles traversent le premier, après y avoir mis en mouvement les pompes qui y sont.

Fig. 2. Pl. I. Lorsque la chaîne 4 & 5 tire à soi, de la droite à la gauche, le varlet 9, ce varlet enleve le chassis 11 suspendu à l'extrémité 12, ayant trois cadres 13, portans les pistons qui refoulent l'eau dans les corps de pompes 14 & 15. Quand cette chaîne cesse d'être tendue, & que l'inférieure 2 & 3 est tirée, alors le poids du chassis 11, celui des cadres & des pistons, fait baisser l'extrémité 12 du varlet 9, & l'eau monte dans les trois corps de pompes de cet équipage; d'autre part, l'extrémité 16 du varlet 10 enleve le chassi 17, & les pistons que soutiennent les cadres 18, refoulent l'eau dans les trois corps de pompes de ce second équipage, qui sont unis comme les précédens aux tuyaux 14 & 15.

Tous ces corps de pompes, au nombre de 257, sont soutenus inébranlables, par des barres de fer qui les embrassent, comme on le peut voir au plan du puisard, fig. 5. Pl. I.

Fig. 3. Pl. I. On voit plus en grand l'intérieur d'une des pompes refoulantes du premier & du second puisard; chaque corps de pompe 19, y est porté par des liens de fer 20; & d'autres 21, empêchent que ce corps de pompe ne soit enlevé par le piston dans le tems qu'il refoule: on voit aussi que la tige 22, qui porte le piston, est attachée à deux entretoises du chassis 23, que ce cadre & le piston haussent & baissent ensemble; il y a deux clapets aux endroits 24, & des rouletres en 25, qui servent à soulager la manoeuvre lorsqu'on veut ôter ou remettre un cadre ou chassis.

Fig. 4. Pl. I. Cette figure est l'intérieur d'une des pompes de la riviere; c'est un tuyau de communication HGEFIL fondu d'une seule piece, dont l'un des bouts G H est uni par une bride avec un tuyau d'aspiration N O qui trempe dans l'eau, & où il y a un clapet P; l'autre bout L M K, qui est fait en retour d'équerre, aboutit au tuyau montant M K S, qui porte l'eau sur la montagne, au premier puisard, en ouvrant son clapet R. Dans le milieu est une branche C D E F, liée par une bride avec le corps de pompe A B C D, dans lequel agit le piston Q, parfaitement cylindrique & massif, traversé par la tige T V suspendue à une bielle pendante qui lui donne le mouvement, & refoule l'eau dans le tuyau S en ouvrant le clapet R, & successivement se rend dans le lieu destiné.

Les pompes que la manivelle fait agir dans le premier & second puisard, élevent l'eau dans leurs baches, sans rien avoir de commun avec les équipages des autres roues, c'est-à-dire qu'au rez-de-chaussée des bâtimens des puisards il y a un bassin, qui en occupe presque toute la capacité, divisée par des cloisons pour former des baches, dans chacune desquelles il y a six corps de pompes renversées, qui ne font monter l'eau que quand on le juge nécessaire; & s'il y a quelques réparations à faire aux équipages dont je viens de parler, on peut mettre leur bache à sec, & y faire descendre des ouvriers, sans interrompre l'action des autres pompes.
Excerpted from:
l'Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers de Diderot et d'Alembert
Source: The University of Chicago ARTFL Project